Témoin privilégié : Le Curé Baron
Nommé à la cure d’Arnaud-Guilhem en 1830, l’abbé Jean Baron, personnage humble, « bon pasteur » comme le dit son épitaphe, va se voir projeté à son corps défendant au sein même de cette affaire.
Même si les comptes-rendus du conseil municipal du village ne font jamais état des événements et de l’agitation qu’ils ont provoquée au sein de la population, l’abbé Baron sera cité une fois au cours de la réunion du 1 novembre 1859 où un des sujets traités sera la reconstruction de l’église :
« Monsieur le maire prend la parole, rappelle au Conseil ainsi constitué que les habitants de cette commune se sont imposés de grands sacrifices en prestations volontaires, en argent pour la reconstruction de l’église ; en cela la population n’a fait que seconder le zèle de M. le Curé Baron, notre pieux pasteur lequel s’est imposé lui-même de grands sacrifices de toute nature. On connaît d’ailleurs ses goûts simples, aussi ses besoins pour sa personne sont insignifiants car ce qu’il n’a pas donné aux pauvres qu’il aime tant, il l’a réservé pour la maison de Dieu. Vous savez messieurs, a dit encore M. Le Maire que l’église tombe de vétusté et que sa reconstruction était devenue nécessaire, même urgente. »
La population donc stimulée par l’exemple et la générosité de son pasteur s’est empressée aussi de répondre à sa voix et l’église s’est élevée comme par enchantement puisqu’aujourd’hui elle est comme terminée.
On voit ainsi que l’abbé Baron avait la confiance méritée de toute la population. Une de ses préoccupations pastorales était celle d’accueillir les enfants au catéchisme et notamment Félicie Cavé, Françoise Bernadet, Marie Anne Bernadet et Jeanne Sarlabous, âgées à l’époque des faits en 1859 de 8 à 9 ans.
Le 29 décembre 1859, l’Archidiacre de Saint-Gaudens, répondant assurément à une première missive de l’abbé Baron, lui écrivait en ces termes :
« Monsieur le Curé,
Si les pouvoirs que vous me demandez étaient un simple témoignage de confiance, je serais heureux de vous les accorder mais dans les conjonctures actuelles cette concession serait de ma part une reconnaissance implicite des faits extraordinaires qui attirent les étrangers dans votre paroisse, où il me convient de garder, relativement à cette affaire, une attitude plus prudente jusqu’à plus informé.
Je vous prie, Monsieur le Curé, de ne point encourager les pèlerins d’Arnaud-Guilhem, de ne point parler d’apparition ni en chaire ni au confessionnal, de m’informer de tout ce qui pourra éclairer ma conscience à cet égard et de n’agir que d’après les instructions que je vous transmettrai. »
Cette première lettre prouve déjà que de nombreuses personnes venaient troubler la quiétude du village pour se rendre au lieu-dit « Picheloup » lieu présumé des apparitions.
L’abbé Jean Baron, dans un souci d’obéissance sereine à sa hiérarchie a relaté sur un cahier d’écolier tout ce qu’il connaissait des évènements : il débute par une « description du lieu des apparitions », puis s’ensuit « l’histoire des apparitions » suivi du « récit des petites filles ». Il écrit un « Rapport des évènements d’Arnaud-Guilhem » qu’il enverra le 8 février 1860. Ce même rapport sera repris, après un passage introductif, dans une lettre écrite par l’abbé Baron Jean Bertrand Benoît, curé de Pointis-Inard et ami du curé d’Arnaud-Guilhem.
Ce courrier envoyé le 1 février 1860 et d’une douzaine de pages s’adresse toujours à l’Archidiacre de Saint Gaudens :
« Monsieur l’Archidiacre,
Des évènements d’une nature grave s’accomplissent à Arnaud-Guilhem, doyenné de Saint-Martory sans que personne peut-être ose prendre la liberté d’en informer l’autorité supérieure. Ancien condisciple du vénérable pasteur de cette paroisse et ami de lui par le lien de la plus douce amitié, je n’ai pu résister à l’invitation qu’il m’a adressé de lui venir en aide par mes conseils et par la faible lumière que m’a communiqué une longue expérience dans le saint et redoutable ministère de la direction des âmes. Je me suis donc transporté dans la demeure de mon digne et vertueux ami. J’ai eu de sérieuses conférences avec lui sur les faits qui font dans ce moment l’objet de sa sollicitude. J’ai interrogé avec soin les sujets qui l’ont si vivement excités et après avoir mûrement réfléchi, il m’a semblé que je ne saurai point être par trop imprudent de vous exposer des choses qui préoccupent à un très haut degré l’attention publique. »
On comprend alors mieux l’attitude du curé Baron qui pour faire passer tout ce qu’il avait à dire a sollicité un confrère, d’une paroisse distante de 12 kilomètres, qui semblait être pour lui une référence et un soutien amical ; il ne faut pas oublier que le curé d’Arnaud-Guilhem, né en 1795 devait décéder quelques mois plus tard après l’envoi de ce rapport et ce le 10 mai 1860. Nous verrons plus tard que ce même prêtre agira avec efficacité pour faire rentrer les quatre jeunes filles dans une institution religieuse.
Le 12 mars 1860, le curé Baron répondit à la lettre envoyée peu avant par l’Archidiacre en réponse au rapport envoyé précédemment. Assez fatigué, il s’excuse de ne pouvoir répondre à son invitation puis il reprend la genèse des évènements :
« J’ai l’honneur de vous informer, Mon cher Monsieur, que pendant l’année 1859 j’ai fait plusieurs rapports à l’autorité ecclésiastique pour la mettre au courant de ce qui s’est passé dans la paroisse. J’ai rapporté à peu près ce que j’avais à dire. Mes rapports avec les petites ayant été peu fréquents je n’ai pu recueillir que peu de choses et ces choses je les rapporte mieux par écrit que de vive voix, parce que je manque de mémoire et que je n’ai pas le don de narrer.
Ma conduite dans la position délicate où je me trouve est celle que feu Mgr Mioland me traça quelques jours avant sa mort et plus tard celle que Monseigneur Florian (Desprez), notre très digne archevêque a bien voulu m’indiquer.
J’ai pris garde de trop me prononcer ni pour ni contre de peur d’avoir l’erreur, si malheureusement elle existait ou de choquer le sentiment religieux du peuple, lequel selon Mgr Mioland est une chose bonne et utile au bien des âmes. Mon opinion sur le compte des petites est qu’elles voient ce qu’elles disent, qu’il n’y a pas d’imposture de la part des hommes parce que s’il y en avait, vraisemblablement j’en aurai, par une voie ou par une autre, su quelque chose.
Mrs les Curés de Pointis, de Roquefort, de Cassagnabère et l’abbé Malio sont les seuls prêtres qui sont venus dans la paroisse sans précaution et avec l’intention simple de commenter la visite. Ils ont examiné ce qui se passe et parce qu’ils ont plus de capacité et sont meilleurs observateurs que moi je leur ai cédé le pas en les priant de vouloir se charger de porter à votre connaissance tout ce qu’ils pourront recueillir. Je leur ai remis mes notes en leur promettant de leur faire parvenir les faits que je pourrais recueillir. Ils ont bien voulu accepter ma proposition ; ils feront beaucoup mieux que moi, ayant une parfaite connaissance de ce qui s’est passé.
Quant à moi, je me tiendrai autant que je pourrai en dehors de l’affaire pour éviter les poursuites que la justice qui surveille pourrait me faire et pour que les iniques ne puissent dire que c’est moi qui fais marcher le tout.
Voilà, Mon cher Monsieur l’archidiacre ce que j’ai à vous dire pour le moment. Si vous désirez de plus amples renseignements, Mrs. Les rapporteurs se feront un devoir et un plaisir de vous les transmettre.
Veuillez bien me permettre de vous saluer très respectueusement dans les sacrés cœurs de Jésus et de Marie. »
Ce courrier à l’Archidiacre reçut une réponse de celui-ci dès le 19 mars et on peut penser que la réponse faite le 3 avril 1860 a été l’ultime lettre écrite par le curé Baron qui décéda quelques semaines plus tard :
« Mon cher Monsieur l’Archidiacre,
J’ai l’honneur de vous remercier des conseils pleins de sagesse et de prudence que vous me donnez dans votre honorable lettre du 19 mars dernier, je les suivrai effectivement avec la grâce de Dieu.
Feu Mgr. Mioland, quelques jours avant sa mort, m’avait tracé en peu de mots une ligne de conduite relativement aux choses mystérieuses qui se passent dans ma paroisse. Plus tard sa lettre ayant été présenté à un grand vicaire fut retenue par lui. J’écrivis deux fois à ce vicaire, à l’autorité sans recevoir aucune réponse. Je me trouvai donc comme abandonné à moi-même jusqu’au 29 décembre 1859.
Alors sa grandeur m’honora d’un écrit pour me recommander de ne pas parler en chaire ni au confessionnal de ces choses extraordinaires. J’ai suivi jusqu’à ce jour ce conseil si sage. Il me semble, Monsieur l’Archidiacre, que je suis l’objet de quelque grave dénonciation. Ma position depuis environ 9 mois était très délicate et très difficile, je puis avoir fait des imprudences et des fautes.
Pour que vous puissiez juger, je vais exposer ce que je crois qu’on me reproche.
Je ne crois pas avoir marché à la tête du mouvement religieux qui a lieu dans la paroisse. On m’a assuré souvent de timidité, de négligence, d’indifférence à cet égard mais j’ai respecté jusqu’à un certain point ce mouvement religieux lequel c’est l’esprit souvent qui les inspire ou si elles sont le jouet de l’esprit d’erreur ou de mensonge. Néanmoins j’aime à croire que c’est le bon esprit qui passe et non l’esprit diabolique, quoique je n’en sois pas certain, et je retiens à cet égard mon jugement en suspens jusqu’à ce que Monseigneur ait donné une décision.
Hélas que mon ministère est devenu pénible depuis quelques temps ! Aux peines qui m’accablent jusque de tout côté se joint mon âge avancé avec les infirmités de la vieillesse ; si cela dure, je ne pourrai y résister longtemps. »
L’abbé Jean Baron est décédé le 10 mai 1860 et enterré dans le petit cimetière qui jouxte l’église du village. Dans sa poche a été retrouvé un mot paraphé par l'ABBE : ''les petites disent la vérité''.
Notons que le curé Baron a été remplacé par le curé Chipron qui aura pour mission de faire oublier cette affaire.
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